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Match écolo : papier vs numérique

Il faut admettre que sur la dernière décennie, les pouvoirs publics et les entreprises n’ont cessé de vanter le fait que le numérique est moins polluant que le papier.
Nous avons pris l’habitude de dématérialiser, que ce soit les factures, les lettres, la presse ou encore les livres. La démarche donne l’impression de faire une bonne action, plus verte et respectueuse de la planète. 
Mais ces derniers temps, ce postulat est largement remis en question. Alors le numérique est-il vraiment moins polluant que le papier ?

Une étude sans appel

La Poste a récemment rendu publique une étude comparant les supports papier et numérique. L’étude s’est basée sur cinq scénarios différents afin d’évaluer l’impact écologique de chacun. L’envoi d’un courrier publicitaire vs celui d’un courriel, l’expédition d’un catalogue papier vs une communication par mail vers une boutique en ligne. La distribution d’un prospectus en boîte aux lettres vs une vidéo publicitaire sur les réseaux sociaux. L’envoi courrier d’un catalogue vs la promotion d’une application mobile par courriel, et enfin l’expédition postale d’une facture vs sa version électronique.

Pour chaque scénario, 16 indicateurs environnementaux ont été étudiés à titre comparatif. Comme par exemple les conséquences sur les écosystèmes, sur la santé humaine, sur le changement climatique ou encore sur l’utilisation des ressources fossiles et l’acidification des océans. Le résultat est sans appel : sur quatre des cinq situations étudiées, le résultat de l’enquête est largement favorable au support papier. Mais pourquoi ? Décryptons ensemble les raisons qui font que le papier est finalement moins polluant que le numérique.

La production

La fabrication d’un support papier ou numérique : laquelle est plus polluante ? Il est vrai que la fabrication de supports de communication tels que les flyers ou la PLV carton utilise en moyenne 20 millions d’arbres chaque année. Elle a donc des effets environnementaux non négligeables.

Cependant, si l’on se penche sur la fabrication d’objets numériques comme les tablettes ou les ordinateurs le constat n’est pas plus satisfaisant. Saviez vous qu’un ordinateur de 2 kilos, c’est 800 kg de matières premières mobilisés et 124kg de CO2 générés ? Les composants nécessaires à la production de ces appareils (tantale, indium,…) sont rares. De plus ils mobilisent énormément d’énergie lors de leur extraction. De plus ces produits sont souvent manufacturés loin de leurs lieux principaux de consommation. Et donc leur acheminement et transport va également consommer beaucoup d’énergie. En comparaison, la création d’un livre représente 1,3 kg en équivalent carbone contre 135kg sur la création d’une tablette.

Fabrication ordinateur
La production

L’utilisation

Les internautes ont longtemps pensé qu’un email n’était pas polluant pour la planète, tant que ce dernier n’était pas imprimé… Mais cette idée reçue est malheureusement fausse. Premièrement, l’utilisation des outils numériques (ordinateur, tablette, smartphone,…) consomme inévitablement de l’énergie.
Ensuite, il faut comprendre la chaîne de “fabrication” d’un email pour comprendre son impact. La création du mail par un fournisseur d’accès, sa réception, sa consultation par son destinataire, son téléchargement… tout cela passe par des serveurs qui consomment énormément d’énergie pour pouvoir tourner en permanence.

Le comportement des consommateurs est également un facteur aggravant. En effet comme dit ci-dessus, l’email ou le document administratif dématérialisé est plus écologique s’il n’est pas imprimé. Or l’étude menée par La Poste a démontré qu’une facture numérique sur trois est imprimée. Comme beaucoup d’autres documents administratifs envoyés par mail…

Le stockage : les data centers

Nous avons l’habitude de penser que lorsque l’on parle de numérique, tout est dématérialisé. Mais c’est encore une fausse idée reçue.
En effet, le stockage de l’ensemble des données du net est matérialisé dans des lieux physiques : les data center. Plus communément appelés “cloud”(et oui la dénomination est très trompeuse). Ce sont d’immenses bâtiments regroupant des milliers de serveurs informatiques. En 2015, on estimait  que la consommation d’énergie annuelle des data center français était plus importante que la consommation électrique annuelle de la ville de Lyon. Depuis la consommation aurait été multipliée par trois…

En France, 10% de l’électricité produite est consommée seulement par des data centers et 40% est due à la climatisation et aux systèmes de refroidissement de ces derniers. Le stockage des données numériques est donc très polluant, d’autant plus qu’il double tous les deux ans.

Data center.
Les data centers

La durée de vie et leur “élimination”

Aujourd’hui la course à l’innovation numérique pousse les entreprises à proposer des nouveaux produits très régulièrement. Certains programment même la fin de vie des anciens modèles. Le but de pousser les consommateurs à acheter les nouveaux, c’est ce qu’on appel le plus communément l’obsolescence programmée).
Les consommateurs vont régulièrement changer de smartphone, d’ordinateur… (environ tous les 20 mois pour un smartphone). La manière de consommer va inévitablement continuer de relancer et de dynamiser le processus de fabrication expliqué ci-dessus. Et donc son impact écologique également : on fabrique plus et on détruit plus. Et lorsque l’on parle de destruction là aussi, l’industrie numérique est très loin de la perfection.

En effet, ce sont des produits complexes aussi compliqués à fabriquer qu’à détruire.  Les matières plastiques, métaux et les matières toxiques sont difficilement recyclables. Beaucoup vont terminer dans des décharges où ils contaminent l’environnement de pays en développement vivant de ces activités…
A l’inverse, si l’on revient à la comparaison avec l’industrie papier, un livre a une durée de vie presque “illimitée” et le papier et le carton restent aujourd’hui les matières les plus recyclées au monde.

Décharge numérique.
Décharge numérique

En prenant en compte tous ces éléments, on se rend bien compte que le numérique est loin d’être la réponse parfaite aux problèmes environnementaux. Ainsi, il est peut-être temps de revoir notre jugement sur la communication papier et carton qui n’est finalement pas si mauvaise élève quand il s’agit de l’impact écologique. 

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